Foin de Crau AOP : le préféré des animaux
La richesse des prairies
Selon les normes botaniques du Foin de Crau telles que les a établies le botaniste Gabriel Tallon, on recense 80 espèces de plantes dans les prairies de Foin de Crau. C’est cette composition floristique qui en fait sa richesse. La flore de la prairie de Crau est très caractéristique et elle doit obéir au strict cahier des charges de l’AOP. Elle évolue en fonction des coupes pratiquées.
Le Foin de Crau est composé de 30 à 50 % de graminées (poacées) (dont le fromental et le dactyle pelotonné), 25 à 35 % de légumineuses (incluant du trèfle violet des prés et du trèfle rampant) et de 25 à 35 % d’herbes diverses. Sa composition floristique correspond à un cahier des charges précis, établi par le décret n°2015-1226 du 2 octobre 2015 et par le Journal Officiel de l’Union européenne en date du 31 janvier 2017 du règlement d’exécution (UE) n°2017/156.
Reconnaissance des parcelles de foin de Crau AOP : des critères spécifiques à respecter
L’association végétale de la prairie est à base de fromental (Arrhenattherum elatius) qui doit représenter au moins 25 % de la composition floristique. De nombreuses prairies pâturées tardivement, en février, peuvent porter plus de 35 % de fromental. Les espèces obligatoirement présentes, en plus du fromental, sont : le dactyle pelotonné (Dactylis glomerata), le trèfle violet (Trifolium pratense) et le trèfle blanc (Trifolium repens). Ces 4 espèces doivent dépasser 65 % de la composition floristique (mesure avant la première coupe).
• Espèces constantes et abondantes
Liondent Leontodon proteiformis
Paturin des prés Poa pratensis
Ray grass Lolium perenne
Lotier corniculé Lotus corniculatus
Plantain lancéolé Plantago lanceolata
Achillée Achillea millefolia
Vesce Viccia cracca
Luzerne lupuline Medicago lupulina
Fétuque des prés Festuca pratensis
Carotte Daucus carota
Pissenlit Taraxacum officinale
• Espèces présentes et peu abondantes
Gaillet blanc et jaune Galium mollugo et Galium verum
Centaurée des prés Centaurea jacea
Paturin commun Poa trivalis
Paturin à feuilles étroites Poa angustifolia
Brome dressé Bromus erectus
Flouve odorante Anthoxantum odoratum
Fétuque rouge Festuca rubra
Houlque laineuse Holcus lanatus
Lotier pédonculé Lotus pedonculatus
Vesce à feuilles étroites Viccia angustifolia
Margueritte Chrysanthemum leucanthemum
La flore de la prairie susceptible de produire du Foin de Crau AOP doit présenter des espèces constantes et abondantes (toutes de bonne qualité nutritionnelle), mais aucune de ces espèces ne doit dépasser en importance les espèces obligatoirement présentes (cas de la fétuque des prés par exemple se substituant au fromental en zone humide). Par contre, les espèces constantes et peu abondantes sont souhaitables en faible quantité car elles affirment la richesse floristique du Foin de Crau AOP.
• Espèces tolérées à titre exceptionnel
Brome mou Broumus mollis
Pâquerette Bellis perennis
Crépis Crepis tarassacifolia
Panais Pastinaca sativa
Crételle Cynosurus cristatus
Amourette Briza media
Avoine jaunâtre Trisetum montanum
Ces espèces, à valeur fourragère souvent faible, ne doivent pas dépasser 10 % de la composition floristique totale.
Comment naît une prairie de Crau ?
Le futur champ doit être épierré et nivelé avec une faible pente (0,2 à 0,3 %) pour pouvoir pratiquer une irrigation par submersion. Enfin, un canal d’irrigation y amène l’eau.
La première année, une luzerne ou un mélange prairial est semé. Peu à peu, les autres espèces apparaissent spontanément pour aboutir, au bout d’une dizaine d’années, à un état d’équilibre. Il faudra de 5 à 10 ans à partir d’un mélange prairial et de 10 à 15 ans à partir d’une luzerne.
Toute la science de l’agriculteur consiste à maintenir la prairie en veillant à l’irrigation, à la fumure et aux pâturages d’hiver. Toute modification nécessitera le même processus et le même temps pour revenir à l’état d’équilibre.
Les prairies naturelles permanentes ne sont jamais ressemées, ni labourées. La terre laissée dans son état originel est enrichie par les apports en limons de la Durance, à chaque submersion. Année après année, les prairies se façonnent.
Les prairies au fil de l’eau et du temps…
“Dans une correspondance du marquis de Suffren adressée à son fermier, des ordres sont donnés afin de conduire à bien l’exploitation. Son domaine bénéficiant en grande partie de l’arrosage se compose d’oliviers, de terres en blé, et de près. Pour ces derniers, il recommande à son fermier de les protéger des moutons. Monsieur de Suffren possède plusieurs près laissés en pâture pour les moutons l’hiver comme il est de coutume après les trois coupes de foin faites du mois de mai au mois d’août. Nous remarquons qu’un nouveau près a été mis en place, il s’agit d’un près certainement semé au printemps car il conseille de ne pas le faire manger pour éviter que les animaux ne détériorent les espèces végétales encore mal enracinés. Les prairies irriguées sont devenues pérennes avec les années. Les eaux du canal ont charrié des graines d’espèces végétales venu des Alpes qui se sont adaptées. La création d’un nouveau près se fait à partir des graines récupérées sur une motte de foin c’est-à-dire le fourrage engrangé (fond de fénière). Les paysans ramassaient l’hiver les débris de fétuque ou de dactyle dans la grange. Les prairies se sont étendues dans le paysage agraire au vu du nombre de fois que les mots pré, prairies, Prades et luzerne sont employés dans les textes. Des fourrages de nature différente comme la luzerne sont donc cultivés bien avant le 18e siècle.”
Source :
Marylène Soma-Bonfillon, “Le canal de Craponne : un exemple de maîtrise de l’eau en Provence occidentale : 1554-1954”, édition PU de Provence, paru le 08/03/2007